À première vue, il semblerait que le virtuel soit une bonne chose pour l’homme.
Si certains domaines artistiques peuvent se numériser intégralement comme les arts graphiques, d’autres, dont les arts de la scène, peuvent peiner à le faire.
C’est pourtant ce que l’on essaye de mettre de plus en plus en place depuis la crise du Covid19. En effet, si cette période a causé de nombreuses pertes, elle a aussi aidé l’industrie de la musique à repenser ses outils avec l’arrivée de nombreux nouveaux concepts comme le métaverse ou encore les NFT…
Mais de quoi s’agit-il véritablement ?
Le « Métaverse » est une énième invention du créateur de Facebook, Mark Zuckerberg, un monde parallèle numérique, créé pour rendre plus « immersives » les expériences virtuelles, et créer du lien entre gens bien réels.
Les NFT, « Non-Fungible Token », jetons non fongibles en français, sont une forme de cryptomonnaie qui permet l’achat ou la vente de n’importe quel bien numérique, par exemple une œuvre d’art, une image, une vidéo, un sample, un tweet etc. Face à toutes ces nouvelles inventions, on peut se demander, dans un contexte artistique en pleine évolution, quel est l’impact du virtuel dans l’industrie musicale ?
Pour répondre à cette question nous allons analyser premièrement l’impact du métaverse dans l’industrie musicale et son usage, dans un second temps, les NFT et en quoi leur arrivée peuvent changer la condition des artistes.
Le Métaverse, un nouveau monde immersif !
Dans le métaverse selon Meta, on retrouve tout Internet. On se balade sous la forme d’un avatar à notre image, on peut rejoindre ses amis qui eux se trouvent à l’autre bout du monde, faire des réunions avec son équipe, participer à des activités à plusieurs, travailler et consommer, grâce à une monnaie virtuelle. Un peu comme dans Ready Player One…
Tant de choses intéressantes applicables à l’industrie de la musique.
Depuis la crise du Covid19, l’industrie de la musique a été contrainte de trouver de nouveaux moyens pour produire les artistes. Pour pallier à ce manque, plusieurs solutions ont été trouvées, concert en streaming vidéo, concerts virtuels avec avatars etc.
Le concept de Métaverse tombait à pic. De nombreux évènements ont vu le jour dans le Métaverse. Pour ce qui est des artistes américains comme Travis Scott, 12 millions de joueurs Fortnite assistaient à un concert exceptionnel du rappeur américain le 25 avril 2020 en période de confinement.
Booba, un des premiers rappeurs français à avoir investi dans ce marché, a mis en vente une sculpture en bronze de son buste en 10 exemplaires à 2 500 euros pièce dans le métaverse. Le rappeur français Alonzo a connu également un très grand succès après son concert sur Twitch dans le jeu GTA en 2020. Le rendu est très bon, en effet, le live a cumulé plus de 20 000 vues soit plus de spectateurs dans un Zénith de Paris par exemple.
Mais en 2021, on observe un léger déclin.
Le 26 décembre, dans le Métaverse, Young Thug n’a pu amasser que 100 000 vues, David Guetta a dû se contenter d’un million de vues et la performance de The Chainsmokers a été rayée d’Internet…
Justin Bieber prévoit un show également le 18 novembre.
On peut se demander si cela va fonctionner maintenant que la crise est terminée.
En tout cas, on remarque un bel engouement autour du sujet. Le métaverse pourrait générer jusqu’à 5 000 milliards de dollars d’ici 2030. En 2022, les investissements dans le métaverse ont plus que doublé par rapport à 2021 et atteignent plus de 120 milliards de dollars.
(Source : www.blogdumoderateur.com)
En bref, le métaverse apporte une interaction sociale accrue, des expériences d’apprentissages améliorées (on peut penser à un chirurgien qui s’entraine via la plateforme autant de fois qu’il le souhaite ou à des simulations ludiques pour apprendre un instrument), une plus grande immersion, un plus grand engagement, plus de créativité (les utilisateurs peuvent créer un univers à leur image, les artistes ont beaucoup plus de choix en terme de scénographie pour leurs spectacles), une accessibilité partout dans le monde.
Mais on voit déjà de loin arriver les dérives : manque d’intimité, vol d’identité, avatar hacké, problèmes techniques, pollution, addiction, isolation etc.
Et qu’en sera-t-il de la monnaie virtuelle utilisée dans ce nouveau monde ?
Les NFT dans la musique, une nouvelle chance…
Tout au long de son histoire, l’industrie musicale a connu des crises dues à d’importants changements, techniques et économiques.
Dans la fin des années 1990, c’est le déclin du CD, de nouveaux médias et appareils électroniques apparaissent (smartphones, baladeurs, mp3 puis les IPods). La musique se distribue désormais sous forme de fichiers, le plus souvent, gratuitement.
Selon Paul Krugman, le modèle économique visant à vendre des copies d’une œuvre n’est plus viable puisqu’en informatique « la copie d’information ne coûte quasiment plus rien. » Avant l’ère de l’internet, le disque représentait indirectement la fourniture d’un service : la copie d’une œuvre. Étant donné le faible coût d’une copie actuellement, le prix d’un CD semble aux yeux des consommateurs de moins en moins justifié.
Très vite, il y a l’arrivée du streaming, avec Spotify, Apple Music, Tidal ou encore Deezer. Mais les artistes ont toujours eu du mal à garder le contrôle sur leur travail et à le monétiser. Ainsi, on se rend bien compte que les profits dans la culture ne peut plus être réalisés dans la vente de disques, mais dans la vente de produits dérivés et de services autres que la fourniture d’une copie.
De ce fait, nous voyons de nombreux concepts émerger tel que les NFT.
Cette monnaie virtuelle, ce jeton est dit « non-fongible » car il est unique et ne peut être reproduit grâce à sa technologie que l’on appelle « Blockchain » qui va sécuriser et tracer chacune des transactions. La blockchain est immuable, infalsifiable et transparente.
Cela signifie que lorsque l’on possède un NFT, nous sommes le propriétaire exclusif de ce bien numérique. Ainsi, si vous achetez un NFT sur la blockchain, la transaction sera visible de tout le monde. Il devient donc facile de prouver l’authenticité de son NFT. Cependant, le fait qu’un NFT soit authentique ne signifie pas qu’il ne peut pas être copié. Si le NFT représente une image, il sera possible de faire des copies de cette image. Mais ces copies n’auront aucune valeur car la personne ayant acheté le NFT sera la seule à avoir l’original et à pouvoir le prouver.
L’artiste ne peut pas vendre plusieurs fois le même NFT. Cependant, il peut toujours recevoir des redevances à chaque fois que son jeton est revendu sur le marché secondaire. Il peut faire une multitudes de choses comme vendre aux enchères ou à prix fixe. Il a la possibilité.
Dans les années 1960, peu d’artistes possédaient leurs titres. Souvent, ces droits étaient détenus par les labels de musique et les producteurs. Les choses sont entrain de changer ! Et tout cela règle bien des problèmes…
En effet, les NFT permettent d’augmenter la redistribution des redevances et deviennent donc une nouvelle source de revenus plus sûr pour les artistes.
Il faut savoir qu’en moyenne un artiste ne récupère que 12% des redevances liées aux ventes et au streaming de sa musique. D’ailleurs, les plateformes de streaming sont très souvent critiquées à cause des sommes dérisoires qu’elles reversent à leurs artistes. Sur Spotify, 90% des artistes reçoivent moins de 1 000 euros par an.
Grâce aux NFT, les artistes deviennent plus indépendants, peuvent maintenant fixer leurs prix et ne rencontrent plus autant de problèmes de droits d’auteurs. Ce système supprime finalement le besoin d’intermédiaires tels que les maisons de disques, les annonceurs, les managers etc.
Au delà des aspects financiers, ou du droit, les NFTs proposent aux artistes une nouvelle façon innovante de communiquer avec leurs fans et cela pourrait bien les pousser à l’engagement.
En août, Matt Pokora a annoncé sa tournée Epicentre, la tournée de ses vingt-ans de carrière. Pour rendre la chose probablement plus attractive, il a décidé de faire son entrée dans le monde du métaverse. Son équipe a donc créé son avatar pour réaliser un concert dans le monde virtuel. Toute une scénographie folle est créée pour l’évènement, un mur de son lumineux en plein air, un style techno-futuriste avec des effets spéciaux hallucinants. L’avatar du spectateur peut s’installer dans une voiture vintage autour de laquelle l’artiste vient chanter, comme dans un vrai clip de R&B.
Pour faire cela, il a choisi la plateforme Métalive. Il y a bien sûr la possibilité d’acheter des billets classiques chez les distributeurs : Fnac, Ticketmaster ou encore Digitick mais pour les plus grands fans ou encore les plus geeks, il y a 3 types de packs en édition limitée sur Métalive : Gold, Platinium ou encore VIP.
Avec le pack Gold, deux places sont disponibles en carré or + un accès au show digital dans le métaverse avec un NFT collector et un hologramme exclusif.
Dans le pack Platinium, deux places en carré or + un accès aux répétions pour deux personnes, un accès au show digital dans le métaverse, un NFT collector et un hologramme exclusif. Dans le VIP, on retrouve les deux places de concert en carré or, l’accès aux répétition également, une rencontre privée avec Matt Pokora, un accès au show digital, un NFT collector et un hologramme exclusif. Que d’idées créatives et de nouvelles possibilités qui donnent envie de faire partie de ce monde immersif.
Cependant il y a quelques inconvénients…
Tout d’abord le manque de connaissance, peu de personne connaissent ces nouvelles technologies, en tout cas, en France. Il y aura probablement un petit temps avant que certains s’y habituent et apprennent, notamment les personnes d’un certain âge.Les prix sont parfois exorbitants, car il n’y a pas de réglementation. Qui dit pas de réglementation dit danger.
Le 17 aout dernier, l’État islamique publie un NFT, une carte numérique félicitant les militants islamistes suite à une explosion mortelle survenue dans une mosquée du Nord de Kaboul visant les Talibans. Une porte ouverte à n’importe quoi, notamment d’éventuelles innovations de la part d’autres groupes terroristes ou malfaiteurs dans la cryptomonnaie pour diffuser leur idéologie et se financer.
Si de nombreuses plateformes suppriment des liens vers des NFT offensants, limitant grandement leur diffusion sur les réseaux sociaux, le partage des détails du NFT sur la blockchain suffit à optimiser sa visibilité. Pas de réglementation, pas de limites.
C’est aussi un système quelque peu injuste.
Qu’en est-il pour les artistes émergents qui n’ont pas ou très peu de fans ? On constate que le concept profite plus aux « grosses têtes d’affiche ». Les jeunes artistes qui débutent, ayant peu de visibilité, peuvent plus difficilement tirer profit des NFT. Ils feront mieux de continuer de travailler avec les labels.
L’impact écologique est dit « catastrophique ». Selon Courrier International, la création d’un NFT équivaut à un trajet de 800km en voiture. Et pour finir, tout cela semble volatile.
Après la crise du Bitcoin, les NFT sont aussi en chute libre.
Alors que les NFT semblaient épargnées par la baisse des cryptomonnaies lors des cinq premiers mois de 2022, ils n’ont cependant pas résisté à la chute de Bitcoin du mois de juin. OpenSea, la plateforme de vente et d’achat la plus intuitive dans le secteur NFT, a dû licencier 20 % de son effectif notamment à cause de la baisse d’intérêt du marché.
Pour conclure, Il est clair que le Métaverse et les NFT peuvent apporter beaucoup financièrement aux artistes.
Pour les fans, la plus-value est dans les nouvelles expériences et les nouveaux biens accessibles. Quelle joie cela doit-être de posséder une oeuvre de son artiste préféré. Il y a aussi ce phénomène de rareté qui donne l’impression d’être valorisé. La digitalisation du secteur du spectacle vivant est vraiment une grosse tendance dans laquelle les professionnels ont tout à gagner.
Cependant, tout le monde n’est pas à l’aise avec le virtuel, ce qui limite l’accessibilité à ceux qui de nature ou par choix ne veulent pas ou ne savent pas utiliser ce genre de plateformes, de monnaies. Certains peuples notamment le peuple français n’est pas très rassuré lorsqu’il s’agit de mettre son argent sur internet également.
Cette alternative peut-être intéressante en cas de crise, d’interdiction ou empêchement de sortir de chez soi, comme pour le Covid-19 mais le virtuel a ses limites comme nous avons pu le constater.
Derrière un écran, la magie de la foule, de la scène n’est pas du tout la même. Le son n’est pas le même. Les sens ne sont pas autant stimulé. L’être humain peut-il vraiment s’affranchir du physique ? Au-delà du fait que le public vient, s’assied, repart, le spectacle vivant permet d’être “parmi d’autres”. Sur nos fauteuils, l’expérience est individuelle, solitaire.
Et-vous, êtes-vous prêt à rentrer dans ce monde ?
– LBTM